Autant l’orthographe est un sujet de discussion passionné sur lequel tout le monde ou presque a un avis (et un terrain de choix pour la garrulité), autant la typo est une science discrète que même beaucoup de journalistes mettent un point d’honneur à ignorer. Comme il n’existe pas de traité typographique grand public, ledit public en est réduit à une formation “sur le tas”, et à faire sa religion en assimilant ce qu’il voit dans la presse (et dans les livres). Combien de lecteurs du Monde ont-il intégré que les citations, dans le quotidien “blanquiste”*, sont entre guillemets et en italiques, et que les titres d’article cités sont seulement entre guillemets mais pas en italiques ?
Nous vous présentons un petit mélange des erreurs typo les plus fréquentes, sans prétendre à l’exhaustivité.
A tout seigneur tout honneur, nous commencerons par Œdipe : nous savons qu’après avoir beaucoup fauté, le fils de Laïos et Jocaste a fini énucléé, mais est-ce une raison pour nous le présenter ainsi, quitte à nous casser les yeux : Oedipe ou OEdipe ? Il y a longtemps que cette “ligature” (majuscule ou minuscule – le “e dans l’o” n’est pas une lettre) aurait disparu de la presse si les secrétaires de rédaction et les correcteurs ne s’obstinaient à la rétablir. Nous pouvons témoigner que presque personne ne la tape spontanément (”alt” 0 140 pour la première, “alt” 0 156 pour la seconde, sur les PC).
Les espaces (qu’elles soient fines ou fortes) sont une des grandes conquêtes de la typo, et même de la civilisation. La tendance permanente est de les faire disparaître, ce qui est attentatoire au confort de lecture. Nous lirons ainsi 30% (au lieu de 30 %), 45°C (45 °C), ou encore 20h30 (20 h 30). Et que dire de 36523, nettement moins lisible que 36 523 ?
Le tiret (–), signe de ponctuation (alt 0 150), est supplanté par le trait d’union (-) signe grammatical, pour la simple raison que seul ce dernier figure sur les claviers d’ordinateur. Ce beau signe qui aère la ligne est ainsi supplanté par un moignon qui ne devrait servir que pour les mots composés et pour la liaison verbe-pronom.
Le tiret lui-même est à son tour supplanté par l’horrible “barre oblique” (ou “slash”), notamment pour les matches de jeu de balle (Turquie/Croatie, au lieu de Turquie-Croatie).
Le petit signe qui sert à marquer le degré (°) supplante subrepticement le “o” mis en exposant pour abréger “numéro”, ce qui donne n° au lieu de no. Il est vrai que cette faute n’est que vénielle.
Autre “faute” vénielle (et nous sommes sûrs que nous allons en surprendre plus d’un) : il n’est pas nécessaire, quand on veut se servir des points de suspension, de taper trois points à la file : le signe existe (alt 0 133).
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Ce top 10, n’étant pas fini, aura une suite, mais auparavant il faudra passer par la case “casse-tête” typo !
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* Pas de mauvaise interprétation : “blanquiste” parce que sis boulevard Blanqui, à Paris.